Suspension des bourses vers l’Occident : Une fausse bonne idée qui risque de coûter cher au Gabon

Lors d’une rencontre avec la diaspora gabonaise à Washington le 7 juillet dernier, le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema a défendu une décision qui fait grincer des dents : la suspensions dès 2026 de l’attribution de bourses aux étudiants désireux de poursuivre leurs études dans les pays occidentaux comme la France, le Canada et les États-Unis. Cette mesure, justifiée par le coût jugé exorbitant pour les finances publiques et le faible retour sur investissement – les diplômés ne rentreraient souvent pas au pays – suscite une vive controverse.

Car si l’argument budgétaire peut sembler rationnel à court terme, ses conséquences à moyen et long terme pourraient s’avérer dévastatrices pour la jeunesse et l’avenir du pays. Tout cela revient à faire payer aux bacheliers 2025 les fautes commises par leurs prédécesseurs dont ils n’ont ni inspiré les actes encore moins la paternité de ceux-ci. Voici 5 grandes raisons - mais pas que - soutenues par les opposants à cette suspension.
1. Un recul de l’excellence académique
Les grandes universités occidentales offrent un environnement de formation et de recherche de très haut niveau, reconnu mondialement. En coupant les ponts avec ces institutions, le Gabon prive ses étudiants des meilleures conditions d’apprentissage dans des filières critiques comme la médecine, l’ingénierie, les technologies numériques, les sciences politiques ou l’intelligence artificielle. Une telle décision risque de réduire à terme la compétitivité de nos ressources humaines face aux exigences du marché mondial.
2. Moins de visibilité et d’influence internationale
Au-delà du savoir, étudier à l’étranger permet de nouer des réseaux solides, d’élargir ses horizons et d’acquérir une culture internationale. Ces atouts sont essentiels pour former les futurs ambassadeurs, décideurs et négociateurs du Gabon dans un monde multipolaire. Rompre ce lien avec les grands centres universitaires occidentaux revient à se priver de leviers d’influence à l’échelle mondiale. C’est aussi affaiblir le rayonnement du Gabon à travers ses diasporas de compétence.
3. Frustration sociale et risque d’exode des talents
Dans un pays où la méritocratie est souvent perçue comme inégalement appliquée, cette mesure pourrait alimenter un sentiment d’injustice, notamment chez les étudiants issus de milieux modestes pour qui la bourse représentait le seul passeport vers une formation d’élite. Le risque est grand de voir les plus brillants chercher d’autres moyens de s’expatrier, de manière définitive, accentuant la fuite des cerveaux que le gouvernement souhaitait justement freiner.
4. Des alternatives encore peu crédibles
Les autorités promettent une réorientation vers des pays dits « stratégiques » comme le Maroc, la Tunisie, la Turquie ou le Sénégal. Si ces destinations ont leur mérite, elles ne disposent pas du même éventail de formations spécialisées ni de la même reconnaissance académique que les pays occidentaux. Surtout, ces pays sont déjà fortement sollicités par d’autres États africains, et les capacités d’accueil risquent de ne pas suffire à absorber la demande gabonaise, créant un embouteillage éducatif sans précédent.
5. Un calcul budgétaire à courte vue
Le président gabonais a invoqué, à juste titre, la pression sur les finances publiques. Mais en matière d’éducation, couper dans les dépenses n’est pas une économie : c’est un appauvrissement programmé. Former un médecin en France ou un ingénieur aux États-Unis coûte cher, certes, mais rapportera bien plus à la nation si le pays met en place des incitations concrètes au retour. C’est donc une politique d’accompagnement qu’il faut repenser, et non une fermeture pure et simple.
Hypothéquer l’avenir par manque de vision
En clair, la suspension des bourses vers les pays occidentaux, loin de répondre aux besoins du pays, risque d’en aggraver les fragilités structurelles : pénurie de compétences, isolement intellectuel, frustration de la jeunesse, perte de compétitivité. Plutôt que de rompre brutalement avec l’Occident, le Gabon gagnerait à se réconcilier avec la fuite des cerveaux avec sa politique de bourse pourtant déjà très sélective. Il faut à l’inverse mieux l’encadrer et mieux l’adosser aux besoins nationaux. Car investir dans la jeunesse, c’est toujours parier sur l’avenir.
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